Histoire de ruche

Voici maintenant plus de six ans que le Château de Pupetières me remettait lors de sa Fête des Plantes le prix de présentation pédagogique pour la présentation d’une ruche en terre cuite.

C’était au mois de Septembre 2014.
Depuis, vous m’avez souvent demandé d’où vient donc cette ruche !

Voici donc enfin une réponse.

Comme cette réponse un peu longue, s’accompagne de détails techniques et de quelques réflexions précises je ne peux que commencer par: Il était une fois, des abeilles qui n’avaient pas besoin de maison.

La ruche est bien évidemment une structure artificielle dont la fonction est, pour l’apiculteur, de limiter la liberté de mouvement des abeilles afin de pouvoir profiter des résultats de leur travail et de leur instinct de survie, sans avoir à trop courir ou se mettre trop en danger.

C’est à dire que la définition de ruche en tant que : « une structure pour accueillir une colonie d’abeille « , est très incomplète et presque euphémistique.

L’abeille n’avait pas besoin qu’on l’accueille. Je pense que ceci n’est pas contestable.

C’est pour cela que la grande sagesse humaine a durant des millénaire été consciente que , ‘ si tu veux du miel !!!  » sans trop courir, il faut que tu proposes des conditions particulièrement alléchantes pour que ces petites ‘ sauvages  » oui, oui elles sont sauvages, daignent rester auprès de toi.

Il faut que tu apprennes à les connaître, et que tu leur offres ce qui correspond à leur nature.

Ne connaissez-vous pas le sentiment qui est lié à ces réflexions? que diriez-vous si je vous proposais le mot « AMITIÉ », seulement pour commencer.

Au cours de plusieurs millénaires, tout le monde s’accorde sur 4 ou 5 milles ans, les ruches étaient construites avec les moyens ‘ du bord « , creusées dans un tronc mort, en terre, en paille tressée, en adobe, en terre cuite. Leurs formes avaient une relation avec la forme d’un essaim. La composante ronde était toujours présente, la forme de cloche, cylindrique, ovoïdo-cylindrique, elles étaient mises à l’abri des excès du climat selon la région où elles se trouvaient. Et j’insiste là sur « mises à l´abri ». Des murs à abeilles, des préaux, des niches, des structures en trois parois en bois, en pierre, en terre.

Jamais les ruches n´étaient laissées en plein champ, près du sol, avec un toit métallique livrées au plein soleil de midi ou aux pluies abondantes des orages.

Jusqu’au jour où, caricaturalement, il y a quelques 200 ans, les ruches devinrent parallélépipédiques, cubiques, en bois parce que c’était plus facile pour l’apiculteur.
Puis on obligea les abeilles à bâtir sur des cadres, on leur prit leur miel, on leur inventa un junk-aliment de substitution, on leur prit leur propolis et on leur inventa des médicaments, on les empoisonna, tout le reste vous le connaissez.

Mais si la prise de conscience est de nos jours suffisamment médiatisée et instrumentalisée, elle ne date pas pour cela d’aujourd’hui et nombreux sont ceux qui nous ont avertis. Depuis le milieu du XIX siècle, même si nous nous limitons à ne citer que Rudolph Steiner, le fait est qu’il nous avait déjà mis en garde contre les dangers d’un élevage intensif et artificiel des abeilles qui risquerait (prévoyait-il) de mettre en péril la vie des abeilles dans les 100 années à venir. 80 ans plus tard il serait vain de croire que le problème des abeilles n’a qu’une cause.


Au début du XX siècle, 1915, un Apiculteur Italien Segundo ROSATO, présente plusieurs inventions de ruches qui avaient pour but « d’ aider les abeilles dans leur travail ».

Quelles étaient les propositions de ROSATO :

Soit une forme soit polyédrique, soit OVOIDE…
Nous nous limiterons à cette dernière. v. Fig. 19, 20, 21, 22, 23.

Les réflexions de S. ROSATO

a. L’intérêt de la forme intérieure est de séparer la partie du couvain des réserves de miel.
On peut voire en (1) qu’il le place bien au centre et le volume (2) est réservé exclusivement au miel qui entoure le couvain. Les deux parties sont munies de cadres tous différents dont la forme épouse la forme que délimite le volume qu’elles intègrent.
Cet agencement est relativement compliqué.
Les Fig. 22 et 23 proposent déjà une simplification. En effet, l’œuf voit son volume intérieur divisé en (1) l’espace du couvain qui maintenant occupe la partie basse de la ruche et (2) la réserve de miel qui se situe dans la partie haute. Le fait de maintenir l’espace du couvain en forme d’œuf, complique encore un peu le système de cadre mais la structure a été retenue.

D’autre part ROSATO a très bien schématisé ses quelques propositions d’agencements qu’il déclare aussi utilisables sur les autres formes.

b. Les orifices en (4), (5), (6) et (7) ont pour fonction la ventilation de la ruche et sa régulation s’effectuerait à l’aide de la pièce (9)

c. La section (5) pourrait également servir de trou de propreté par lequel s’éliminent les déchets de la ruche mais elle semble un peu étroite.

d. La section (5) sert surtout d’entrée de la ruche pour les abeilles

e. La pièce 11 encastrée peut s’utiliser pour y mettre de la nourriture ou de l’eau pour les abeilles (Fig. 19 et 20)

Comme on peut le constater la réalisation de ce chef d´oeuvre s’avérerait très compliquée

f. Le pied pièce (7) de la Fig. 20 est un élément que l´on peut considérer comme un élément séparé sur lequel repose l’œuf.
Des petits nodules le cale évitant le glissement

g. Sur le chapeau des Fig. 22 et 23 un pommeau de préhension

Il n ‘y a aucune mention de la matière utilisée pour la construction. mais il semble que ce soit du bois. Le brevet américain de S. ROSATO octroyé le 13 Avril 1915 et enregistré sous le n° 1,135,623 porte donc :

  • sur la forme ovoïde,
  • sur la séparation de la colonie en deux parties distinctes, le couvain dans la partie basse ou corps de ruche, des réserves supplémentaires de miel dans la partie haute.
    Le tout théoriquement, comme il le dit lui-même, devait apporter un meilleur confort aux abeilles
    .

En 1999, T. D. Todorov revient sur le concept de la ruche ovoïde.
Il reprend le concept complet de ROSATO en le simplifiant, et en lui apportant une meilleure fonctionnalité.

TODOROV considère que :

Aussi longtemps que la forme des ruches sera déterminée par la forme des cadres, nous ne pourrons pas adapter l’espace de manière ergonomique à la forme ovoïdale de l’ essaim.
Les volumes vides présupposent une perte de bioénergie proportionnelle à leur taille. Ceci est l’inconvénient commun aux ruches conventionnelles.
Il n’y avait jusqu’à présent aucune solution technique en apiculture permettant de modifier le volume d’une forme ovoïde, afin de l’augmenter ou de le diminuer en fonction de la variation du volume de la colonie au cours des saisons

Les objectifs de son invention sont :

1.- donner à cette forme ovoïde la possibilité d’augmenter ou diminuer son volume en fonction des nécessités saisonnières des abeilles. (Todorov est un productiviste)
2.- favoriser la bâtisse naturelle fixe au moins dans le couvercle et dans la rehausse. Tout en admettant que pour le corps de ruche qui protège le couvain ceci serait aussi l’idéal, les cadres mobiles ne remplissant de fonction que pour le contrôle.
Monsieur Todorov est lui-même inventeur de plaques porte-rayons et porte-couvain rondes sous lesquelles les abeilles peuvent accrocher leurs rayons et nous indique que ces plaques peuvent être complètement séparatrices, ou ajourées pour permettre le passage des abeilles d’un corpus à l’autre de la ruche. Brevet Bulgare.
La matière choisie était le polystyrène en injection.Voici donc comment la forme ovoïde conçue par ROSATO évolua après trois quart de siècle toujours dans un souci productiviste.
Le problème de la matière à utiliser n’était pas résolu.

Il fallait aussi considérer le coût de développement de matériel de formes ovoïdes et cylindriques. La technique de fabrication retenue par Ron Miksha dans son article ‘ La Ruche Todorov  » dans la revue canadienne Hiveligths de Février 2001 était l’utilisation de moules à injection pour le plastique ou le polyuréthane. « 

Outre le coût de cette fabrication, ces matériaux sont absolument inadaptés à la vie des abeilles. De surplus toxiques et non durables.
BG 60132 du 03.02.1995 qui valide donc la demande 93500 du 21.12.1990 (voire 1 ère page du brevet WO 00/72668, 3ème alinéa du 2ème § intitulé : Background of the Invention)
Son invention reçoit l’enregistrement d’un brevet international WO 00/72668 le 07.12.2000

Parties 1, 2 : comme conçu par ROSATO, un espace pour alimenter les abeilles. Au-dessus de l’espace supérieur du couvain qui à la fois constitue le toit de l´espace couvain et est agencé de trous par lesquelles les abeilles ont accès à l´aliment qui leur est fourni.

Partie 3, 4 : espace supérieur du couvain.

Partie 5 : plateau porte couvain qui sépare la partie supérieure du corps de ruche de l’espace inférieur du couvain.

Partie 6 : élément cylindrique additionnel, qui est conçu pour augmenter l’espace intérieur de la ruche.

Partie 7, 8 : espace inférieur du couvain

Partie 9 : entrée des abeilles

Partie 10 : le fond de la ruche avec une entrée pour les abeilles.


Les plaques porte-rayons et porte couvain sont ajourées et permettent aux abeilles de passer d’un volume à l’autre de la ruche.
Les fentes de 8 mm laissent passer les abeilles, la quantité de rayons variera autour de 9 si les abeilles ne décident pas d’exploiter leur talent d´une autre manière.
Nous utilisons le bois de châtaignier pour toutes ses propriétés de dureté, résistance, imputrescibilité, les effets acaricides de son tanin et pour être un bois de nos régions.

Mais avec la terre cuite nous pouvons refermer la boucle du patrimoine culturel !
Effectivement nous avons là un matériau bon marché et modelable. Testé durant des millénaires.
Dur, résistant, imputrescible, poreux et permettant les échanges gazeux entre intérieur et extérieur, possédant les qualités complémentaires d’isolation et d’inertie thermique et excellent régulateur hygrométrique. Non toxique et durable.